Michel Ballet

Michel Ballet peint la transparence et le passage d'un état à un autre. Il s'agit aussi bien d'état mental que d'état physique, puisque sa peinture est abstraite. Il n'y a que trois  états physiques (solide, liquide, gazeux). Pour les états mentaux, c'est moins clair: les catégories sont plus difficiles à définir, c'est comme les couleurs ; mais il n'y a aussi que trois couleurs (bleu, jaune et rouge) et toutes les autres ne sont qu'un mélange de ces trois là. Peut-être aussi n'y a-t-il que trois états mentaux (mélancolie, volonté, passion) et que tous les autres n'en sont que des combinaisons. Ce la expliquerait la capacité de la peinture abstraite à évoquer les sentiments et à susciter les émotions. Les états physiques de la matière sont liés à la distance et à l'agitation des molécules. C'est lié à la température du corps. D'un point de vue pictural, la température a un rapport avec la couleur (on parle teintes chaudes et de teintes froides). Le bleu est la couleur la plus froide, qui correspond à l'état solide de la matière et à l'état mélancolique de l'esprit : les molécules sont scotchées. Le jaune est la couleur intermédiaire, analogue à l'état liquide et à la volonté : les molécules ont une certaine liberté. Enfin, le rouge est la couleur chaude qui évoque l'état gazeux et la passion : les molécules sont prises d'une frénésie incontrôlable. Mélancolie glacée, averse de volonté, vapeurs de passion, tout cela est très mystérieux, et c'est ce mystère qui semble habiter, sous une forme particulière, la conscience de Michel Ballet et s'y développer avec tant d'empressement qu'il ressent l'urgence de le peindre.

Mais le plus important pour lui semble être le passage d'un état à un autre : c'est le moment où quelque chose se passe. Comme chaque état correspond à une forme et une couleur, un changement d'état fait un tableau. Quel rapport, direz-vous, y a-t-il entre le changement d'état et la transparence ? C'est que quand la distance entre les molécules augmente, la transparence aussi… et en chauffant certains solides opaques on obtient des liquides transparents.

Connaissez-vous les bouillottes magiques ?

C'est une poche remplie d'un liquide transparent (un mélange d'eau et d'acétate de sodium), avec un petit morceau de métal à l'intérieur. Vous tordez le morceau, tout à coup le liquide devient opaque et se solidifie, en dégageant beaucoup de chaleur (55°). Quand elle a rendu toute sa chaleur, quand « le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige » dirait Baudelaire, pour régénérer la bouillotte, on la met dans l'eau bouillante, et le solide blanc se liquéfie et redevient transparent. Eh bien le curieux phénomène de la bouillotte magique est sans doute très proche de ce qui arrive au cerveau de Michel Ballet quand il crée et qu'il se produit, comme il le dit « cet autre chose qui fait la passion, le rêve ». Son talent, c'est la capacité d'activer ce phénomène, c'est le petit bout de métal que l'on pince et par lequel tout arrive.

Jean-Yves Bresson

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                                                     Michel Ballet : liquid  1